Art

Chez moi, les inspirations artistiques, se manifestent et occupent bruyamment mes synapses dans les moments les moins opportuns : en conduisant, en supervisant les devoirs de mon benjamin, pendant la sieste. Ils prennent la forme d’amalgame de mots, d’images, de couleurs ou de concepts spatio-temporels. Je constate une tangente, une fascination même, pour les matériaux orphelins, déchus, ceux du passé qu’on a oubliés ou abandonnés consciemment ou non. Ma vie au quotidien est une chasse aux trésors : j’adore débusquer ces objets porteurs d’histoires et leur redonner une trajectoire, une voie, une voix, une émotion peut-être, une cohérence certainement.

Je flirt avec l’assemblage, l’estampille, la broderie, l’aquarelle, la gravure,  l’encre de Chine, le papier artisanal. J’ai installé ma lourde presse Praga avec sa grande roue en plein centre de mon atelier. La machine à coudre Singer de ma grand-mère Hélène avec son pédalier relié par une courroie à la roue finement travaillée, trône juste à côté du vieux four à bois Bernier dans ce qui était la cuisine d’été de ma maison bi-centanaire. Oui, même mon studio a quelque chose à raconter. Et partout, des outils, des fils, des aiguilles, des papiers, des plantes, un chien ou deux qui font la sieste, des fenêtres inondées de lumière énergisante. 

Mon travail se veut résolument contemporain, à cheval entre l’art figuratif, décoratif, conceptuel et abstrait. C’est un art textile rugueux, inquisiteur, engagé, onirique.  C’est un art persévérant, résultant d’une recherche constante et d’une dévotion à la pratique des Arts et au mariage des mots. J’aime la façon dont le mécanisme et le geste de la gravure et de la broderie installent une distance entre le sujet et l’artiste. Cela m’amène à résumer, creuser, empiler, rapiécer. J’ai une approche plutôt organique, pas très méthodique, qui laisse toute la place au geste sans trop tenir compte du résultat escompté. Tout le processus est une séance de résolution de problèmes/défis en boucles et bien sûr, d’apprentissages. La naissance d’une œuvre prend fin quand j’en rédige la démarche et en découvre la signification : ce moment toujours un peu euphorique m’aide à dévoiler et saisir le monde. À la toute fin, comme dans un rêve loufoque dont on tente de tirer une leçon ou la lecture d’un avenir potentiel, il se dégage un sens, un impact, un récit que mon cerveau n’a pas voulu me dévoiler pendant le processus actif, trop occupé qu’il était à gérer de la matière concrète, à contenir un fluide, à nouer un fil (conducteur).

En parallèle avec cela, je ne pouvais pas envisager une carrière dans les arts sachant que ma pratique pourrait avoir un effet délétère sur l’environnement ou que j’évolue indépendamment du contexte social et sans réciprocité avec les acteurs locaux. Alors je m’implique dans ma communauté, dans la vie politique, sociale et environnementale et je garde une trace des déchets que je produits (je récupère des rebuts, des débris, des résidus qui m’inspirent), je prends conscience de la qualité (ou non) des intrants, et je vois si  l’amour injecté dans le mode de production ajoute une valeur. Rien n’est parfait et parfois le lâcher prise et le pardon constituent mes meilleurs armes… Occasionnellement, les oeuvres seront sujets à se détériorer ou à se décolorer au fil des années… J’ai appris à vivre avec mes paradoxes… et même à les apprécier!

Je rêve d’un studio ouvert, accessible à tous, authentique et généreux. C’est ainsi que je mène ma vie et mon travail en architecture de paysage, pourquoi l’Art devrait-il être différent ?